Alpha Lyra et MoonSatellite. Christian Piednoir et Marc Perbal : ces deux noms sont déjà bien connus des fans français de musique électronique. Le 10 mai, Ron Boots les accueillait tous les deux aux Pays-Bas à l’occasion de l’édition 2014 de son festival E-Day, une première pour Alpha Lyra et MoonSatellite, qui se produisaient ainsi pour la première fois à l’étranger, devant un public nouveau, majoritairement allemand et néerlandais. Les deux musiciens en profitaient pour présenter leur nouveau disque, Live in Nancy 2013, pour raconter leurs aventures, souvent partagées, et décrypter les arcanes de la scène électronique française. Interview croisée dans un hôtel de Best, près d’Eindhoven, la veille du concert.
MoonSatellite et Alpha Lyra présentent leurs disques, E-Live 2014 |
Best, le 9 mai 2014
Christian, racontes- moi ta première rencontre avec la
musique électronique.
Christian Piednoir (Alpha
Lyra) – C’était en 1975, avec Rubycon,
de Tangerine Dream. Le même jour, j’avais acheté Inventions for Electric Guitar, de Manuel Göttsching, le tout après
avoir lu leurs critiques dans des magazines comme Rock&Folk et Best, qui
parlaient de toutes ces musiques nouvelles. Puis vint Klaus Schulze. J’ai eu Timewind entre les mains dès sa sortie
en 1976. C’est parti comme ça. Après, j’ai embrayé avec tout ce qui le
concernait, Irrlicht, Picture Music, toutes les nouvelles
sorties.
Mais qu’est-ce qui t’a donné envie d’en faire autant ?
Christian – J’ai
toujours été un peu bidouilleur. J’aimais déjà trafiquer des sons sur des magnétophones.
J’ai fini par acheter un des premiers synthés monophoniques sortis dans le
commerce, un Kawai : le premier synthé monophonique « grand
public » prétendument bon marché. Je me souviens avoir tout de même
déboursé 2400 francs, sachant qu’à l’époque, cette somme représentait pour moi un
mois et demi de travail d’été. Je l’avais commandé chez Montparnasse Musique dès
que j’en avais entendu parler. La livraison a pris un temps fou ! Mais,
c’est sûr, le Kawai 100f
n’avait en terme de prix rien à voir avec les Korg ou les Moog de l’époque. C’est
ainsi que je me suis lancé, avec le Kawai et deux magnétophones, un pour
l’écho, l’autre pour l’enregistrement. Un fonctionnement finalement très proche
de Schulze sur scène à l’époque.
MoonSatellite @ Nancy 2013 photo : Christian Piednoir |
Marc Perbal (MoonSatellite)
– Non pas tout à fait ! Pour moi, tout a commencé avec Jean-Michel
Jarre. J’étais jeune et j’étais sensible aux grands tubes de variété. Mes
parents possédaient un vinyle sur lequel figuraient Popcorn et d’autres morceaux du même genre. Au collège, j’ai écouté
Vangelis, et les fameuses compilations Synthétiseur.
C’est comme ça que j’ai rencontré la musique de Kraftwerk aussi. Un jour, j’ai
acheté un petit synthé. Mon but était simple. Je voulais jouer des reprises de
Jarre. Puis à mon tour, j’ai découvert Klaus Schulze. Et là, il s’est passé un
truc. J’ai compris qu’il y avait autre chose dans la musique. C’était au début
des années 2000. Je me suis alors familiarisé avec Tangerine Dream et tous les
Allemands, alors que pendant très, très longtemps, j’étais resté scotché à
Jarre. Aujourd’hui, je ne conserverais qu’Oxygène
et Equinoxe.
Christian – Pour
moi ce sont aussi les deux premiers les deux meilleurs. C’était quand même très
novateur.
Christian, en ce qui te concerne, la « german
connection », ce n’est pas seulement de la musique, ce sont aussi des
rencontres et des gens. En fait, tu es un artiste découvert sur Internet, par
un Allemand.
Christian – Oui,
on peut dire que je fais partie de la génération MySpace. Le site est tombé en
désuétude, mais à l’époque, je m’y connectais tous les jours. Ça fait bien un
an que j’ai arrêté. C’est Robert Schroeder qui m’a découvert. Il avait décidé
de consacrer une compilation à des artistes dont il appréciait le travail sur
MySpace, des gens pas très connus, en général. Il avait entendu sur le réseau
des extraits de mon premier CD, et en 2007, je crois, il m’a contacté. Nous
étions trois Français à figurer sur cette compilation, éditée par Spheric Music
et intitulée Dreams of MySpace volume 1.
Ça n’a pas marché, et le second volume n’a jamais vu le jour.
Tu es tout de même resté dans le circuit, puisque c’est
Bernd Scholl qui, par la suite, a sorti deux de tes disques.
Christian – Ça c’est
fait par l’intermédiaire de Bernd Kistenmacher, quand il est venu jouer à la Boule noire à Paris, un
concert organisé par le Cosmiccagibi, l’association d’Olivier Bégué. On a passé
un très bon moment avec Bernd, et dans la conversation, je l’ai convaincu de
donner mes CD à Bernd Scholl pour savoir s’il voulait bien les sortir sur son
label MellowJet. Bernd Scholl m’a répondu favorablement. Il a publié Music
For the Stars II et Spacefish. Le
dernier, From Berlin to Paris, devait
aussi sortir sur MellowJet en 2013. Malheureusement, cela n'a pas pu se faire,
et j’ai fini par publier moi-même le disque en mai, trop tard, cependant, pour
le concert de Nancy.
Marc, tu disais que tu as d’abord commencé par des reprises
de Jarre. Il y a quelques années, tu as même réenregistré intégralement Oxygène, c’est bien ça ?
Marc – Oui, ça
c’était en 2007-2008, à l’occasion des trente ans du disque, que Jean-Michel
Jarre venait de ressortir avec quelques variations. C’est cette version que
j’ai reproduite.
Mais à quand remonte ton premier véritable disque, avec
tes propres compositions ?
Marc – Vers la
même époque. Je me suis investi à fond dans cette cover d’Oxygène, au point
qu’elle m’a permis de découvrir vraiment les potentialités de mes machines.
Avant, il faut bien le dire, je bricolais. Or c’est aussi à ce moment que j’ai
eu une révélation, avec Timewind, de
Klaus Schulze. Dans la foulée de la cover,
j’ai donc décidé de composer pour la première fois mes propres morceaux. Finalement,
c’est en essayant de reproduire fidèlement du Jarre que j’ai appris à maîtriser
les machines, mais dès lors que j’ai su m’en servir pour composer, je me suis
plutôt retrouvé à faire des développements à la Klaus Schulze.
Dans ta production, tu sembles distinguer les morceaux
courts, « jarresques », fondés sur une structure classique en couplet
et refrain, et les titres plus longs et plus progressifs.
Marc – Quand tu
joues pendant vingt ans du Jarre, dès que tu te mets à composer toi-même, tu
fais automatiquement du Jarre. Forcément, tu reproduis ce que tu écoutes tout
le temps. Et en effet, ça signifie une alternance couplet / refrain, du phaser partout, etc. Or curieusement,
dès que j’ai composé mes premiers titres et que je les ai soumis à mon
entourage, on me reprochait de ne faire que de longues intros qui ne
décollaient jamais. Par la suite, la découverte de Schulze m’a conforté, car
c’est exactement ce qu’il faisait. Plus je me suis imprégné de sa musique,
moins j’ai enregistré de titres à la
Jarre. . Tout ce que j’avais publié au début sur Jamendo,
c’était de cet acabit. Ça ne vaut pas grand-chose, puisque c’est du
copié-collé. Donc oui : il y a une vraie distinction. Je suis plus dans
une démarche de création aujourd’hui.
Alpha Lyra @ Nancy 2013 (photo : Marc Perbal) |
Christian – Le
processus de création m’échappe en partie, comme souvent chez un artiste. Il
relève de l'ordre de l'inconscient, je pense. A la base, c’est de
l’improvisation : deux ou trois accords qui sonnent bien, un bon son. Sur
les logiciels, je m’amuse avec les presets,
je trouve un son qui m’inspire, je le retravaille et c’est parti ! Sur les
instruments analogiques, je travaille moins les sons. Je m’en sers pour élaborer
des séquences, mais surtout des nappes, jouer trois quatre accords, un soupçon
de mélodie et une ambiance. Je brode ensuite à la manière d’un peintre qui va ajouter
de petites touches au pinceau. Je dis cela parce que je fais de la peinture
(abstraite, en grand format). Je suis aussi photographe. Tous les arts sont
liés. Je m’exprime indifféremment par la photo, la musique et la peinture.
L’écriture aussi, un peu.
Marc, de quels instruments disposes-tu dans ton Magnetic
Studio ?
Marc – Je dispose
de stands numériques, où j’ai rangé mes tout premiers synthés. La majorité sont
tout de même des synthétiseurs à modélisation analogique censés permettre les
expérimentations sonores. J’ai un stand analogique où là, en effet, on retrouve
les réels synthés des années 70 du type Moog. Mais je travaille comme Christian :
l’improvisation d’abord. Ensuite, j’élabore un petit concept, parce que ça fait
bien ! Sinon, c’est très intuitif. Si j’ai trois heures devant moi,
j’allume les synthés et je vois ce qui se passe. Le son est primordial. Je
travaille aussi bien avec les sons d’usine, d’ailleurs. Après, j’habille le
tout avec des séquences, des effets, etc.
J’ai cru comprendre que tu jouais de l’orgue aussi.
Marc – En amateur !
J’ai étudié l’orgue un an, j’ai fait du solfège, mais je n’ai pas de réelle formation
musicale. Quand je me suis aperçu qu’il me faudrait des années pour jouer les
morceaux d’orgue que j’aimais, découragé, je suis revenu au synthétiseur.
Christian – Moi
non plus, et je le regrette. J’aurais aimé être capable de transcrire ma
musique sur une partition, avoir des notions d’harmonie. Je fais tout à
l’oreille. Il m’est arrivé de présenter mon travail à des gens qui sont
vraiment musiciens, et ils me disent : « Ah là non, ça ne va pas !
On n’a pas le droit de faire ça ». Mais pourquoi se priver, si le résultat
traduit ma sensibilité et sonne bien ? Klaus Schulze non plus n’a pas de
formation musicale.
Marc – En même
temps, c’est justement cela qui nous permet cette approche intuitive, aussi.
Alpha Lyra répète pour le E-Day (photo Marc Perbal) |
Christian – C’est
un budget, oui ! Mais je n’ai jamais eu à faire de sacrifices. En général,
nous achetons plutôt d’occasion. Nous avons quelques possibilités de bon prix.
Marc – J’achète
plutôt du neuf. Mais j’accumule tout. Je n’ai jamais rien revendu. Je ne
tirerai rien d’un appareil d’occasion, de toute manière.
Comment expliquez-vous qu’un nombre aussi élevé de fans
de musique électronique finissent tôt ou tard par s’y mettre à leur tour ?
Christian – C’est
que c’est très tentant ! Quand on achète un synthé, on entre dans le mythe
du musicien sur scène avec tous ses boutons. Je ne peux pas m’empêcher de
m’émerveiller chaque fois que je pénètre dans mon propre studio. La semaine
dernière j’avais tout préparé en mode scène, comme ce sera le cas demain. Il
faisait nuit, et quand je suis entré dans le studio, c’était magique : tout
clignotait, les leds, les séquenceurs. J’ai eu encore ce petit frisson ; le
même que lorsque j’allais aux concerts de Klaus Schulze.
Marc – C’est exactement
ça. Même sur scène. On a beau avoir le trac, une fois qu’on s’entoure de nos
instruments, on s’isole dans un bulle, un petit cocon. Cinquante ou mille spectateurs
ne peuvent plus rien y changer.
Au sein de la scène électronique traditionnelle actuelle,
presque aucun musicien n’est professionnel. Et vous ? Que faites-vous dans
la vie ?
Christian – Je
suis photographe. Principalement photographe animalier pour une société
spécialisée dans les animaux de compagnie : les poissons et la vie
aquatique, ou les nouveaux animaux de compagnie, mais pas les chiens et les
chats. Je suis aussi journaliste. J’écris pour la presse spécialisée et les
enseignes animalières. Et je suis associé dans une entreprise d’édition qui publie
cinq magazines trimestriels sur les poissons, les bassins de jardin, les
oiseaux. Nous avons un catalogue d’une centaine de titres de livres, toujours
dans le même domaine.
Marc – Je suis
professeur des français au collège, mais j’ai une formation de prof de philo.
MoonSatellite @ Nancy 2013 photo : Christian Piednoir |
Marc – Certains
réussissent à me trouver sur Internet. Moi-même, je n’évoque jamais le sujet.
Quand j’avais des terminales, quelques-uns achetaient mes CD. Mais ils sont plutôt
branchés David Guetta. Et quand ils écoutent nos trucs, évidemment ils trouvent
ça sympa, mais tu ne sais jamais quelle est la part de flatterie. Pour eux, ça
ne bouge pas assez, de toute façon.
Christian – Oui,
c’est vrai. Mon fils me demande régulièrement de décoller un peu. Je suis assez
tenté d’explorer ce domaine-là. J’ai une boîte à rythme. Bon. Je ne l’ai encore
jamais essayée. Mais le jour où je collerai une boîte à rythme sur un de mes
morceaux, ce sera une grande première ! Il faut que je tente un truc
bientôt.
Marc – J’ai déjà essayé
de faire du Guetta. Mais je n’y arrive pas, ce n’est pas ma sensibilité.
Christian – Tu
vas voir demain, Marc ! Je vais te fais du Guetta, moi. Avec un doigt, comme
aux Guignols de Canal+ !
Marc – Mais quand
tu demandais pourquoi les fans s’y mettent de plus en plus, c’est aussi parce
que les instruments se sont beaucoup démocratisés. Les synthés sont moins chers ;
mais surtout, grâce à l’informatique, tout a été numérisé. Avec des boucles et
des samples, n’importe qui peut faire un morceau. Ça ne représente peut-être
pas un véritable travail de création, mais en tout cas, ça fonctionne.
Puisqu’on parle des élèves qui « googlisent »
ton nom, que signifie ton pseudonyme artistique : MoonSatellite ?
Marc – Il fallait
bien trouver un nom de scène. J’y ai réfléchi avec mon cousin, et celui-là nous
a plu. MoonSatellite évoque le monde du rêve, l’espace, la Lune, quelque chose de
planant, comme un satellite en orbite. C’est une musique cosmique, ne
l’oublions pas.
Christian – Alpha
Lyra, c’est un peu pareil. Il s’agit de l’étoile la plus brillante du ciel
boréal. Pourquoi avoir choisi celle-là ? Parce qu’elle fait partie de la
seule constellation qui implique un instrument de musique, la lyre. Je suis
très cosmique moi aussi, passionné d’astronomie depuis mon plus jeune âge. J’ai
été animateur en astronomie en camp de vacances, donc j’ai quelques notions. En
plus, « Piednoir », ce n’est pas terrible comme nom de scène, même si
ça passe à l’étranger. Je voulais enfin différencier mon nom d’artiste de mon
nom pro, qui est relativement connu dans le milieu de la photo animalière.
Marc, tu es passé de Jarre aux Allemands, de Paris à
Berlin. Quant à toi, Christian, tu as fait le chemin exactement inverse sur ton
dernier disque, From Berlin to Paris [mai
2013].
Christian – Oui.
La genèse de la musique électronique, c’est l’Allemagne ! Au commencement,
il y a cette scène berlinoise du début des années 70. J’ai voulu partir de là
et revenir à Paris, capitale de la culture européenne où je suis né. Tout se
tient. Il me semblait évident de commencer par un hommage à la musique berlinoise.
Le CD s’ouvre donc sur une séquence typique de cette veine. Ce n’est qu’après
que je commence à revenir à mon style propre, un peu perché. Du Alpha Lyra à
100%.
Et toi, Marc ? Est-ce
que Low Life aussi, c'est du
MoonSatellite à 100% ? Y a-t-il un style MoonSatellite ?
Marc – Oui, ça
sonne MoonSatellite. J'ai effectivement un son, mais en même temps, comme je le
dis toujours, je m'inscris vraiment dans un héritage, je n'invente rien. Je
n'ai pas l'impression d'avoir renouvelé complètement le genre, pas le moins du
monde ! Je m'inscris dans une continuité avec ma sensibilité à moi, voilà tout.
Christian – C'est
sûr, on n'a rien inventé.
Ce que vous me dites
là n’est pas banal. Beaucoup d'artistes sont mal à l'aise à l'idée d'être perçus
comme des héritiers, et préfèrent mettre l’accent sur leurs côtés innovants. Or
dans ce domaine, les Froese et les Göttsching seront toujours loin devant. Les vrais
précurseurs, ce sont eux. Mais, précisément : ils ne peuvent être
précurseurs que parce qu’il y a des fans derrière qui cultivent leur héritage
et qui jouent le même style. S’il y a un style, c’est bien parce qu’il y a une
scène qui se développe. Un seul artiste ne fait pas un style. Et si ce style
survit, c’est bien parce qu’il se transmet entre générations.
Marc – Absolument.
Quand on me dit que ma musique « sonne Jarre », ça ne me dérange pas
du tout, puisque je viens après.
Christian – Comme
moi : Schulze est mon mentor.
Mais votre actualité,
c’est la sortie, dès demain, juste à temps pour le E-Day, de ce disque que vous
avez réalisé en commun, Live in Nancy
2013. Que s'est-il passé à Nancy en 2013 ? Vous avez joué ensemble ?
Christian – En
effet, l’année dernière, nous avons donné un concert à Nancy, chez Marc. Je
précise qu’en ce qui me concerne, je ne suis pas de la région. J’habite depuis
27 ans à Bergerac, dans la région de Bordeaux. Nous n’avons pas joué ensemble.
Le concert consistait en deux prestations séparées, à deux reprises, une le
samedi soir et une le dimanche après-midi [9 et 10 mars 2013]. Chacun se
produisait environ 1h15, avec light show. Dommage qu’on n’ait rien filmé, parce
que c’était assez joli, d'après les témoignages. De la scène, nous ne pouvions
rien en percevoir. Nos concerts de demain reprendront certaines bases du live
de Nancy.
Marc – Pour
situer rapidement ces deux jours de concert, j’ajoute que j'étais président de
l'association des amis de l'orgue de la basilique Notre-Dame-de-Lourdes de
Nancy. Nous cherchions à financer les réparations et l'entretien de l'orgue. J’avais
adoré jouer live lors de mon précédent show à Nantes en 2011, avec Patch Work
Music. C’était d’ailleurs mon premier vrai concert, puisqu’auparavant, je
n’interprétais que du Jarre. Donc j'avais proposé à l'association :
« Trouvez-moi une salle, je joue un truc et toutes les entrées, tous les
bénéfices seront pour l’orgue ». Au départ, je pensais m’engager dans un
spectacle intimiste et informel. Jusqu’au moment où on m’a demandé qui était en
première partie. Je n’avais rien prévu de tel ! Donc j'ai proposé à
Christian… surtout parce que j'avais peur qu'on me colle une première partie
qui ne me plaise pas. Dès lors, c’est devenu
un vrai projet, très pro.
Christian – Nous
nous sommes investis et nous avons investi. Nous avons acheté les
lasers spécialement pour l'occasion.
Cela nous mène à
votre rencontre. C’est la musique qui vous a rapprochés ?
Christian – Nous
sommes tous les deux membres de l’association Patch Work Music, que Marc
évoquait à l’instant, depuis 2009-2010. C’est dans ce cadre que nous nous
sommes rencontrés. L'association existe depuis bien plus longtemps, mais elle n’a
été relancée qu’à cette époque, sous l’impulsion de Bertrand Loreau et Olivier
Briand, qui lui ont insufflé une vraie dynamique. Par exemple, c’est à eux
qu’on doit l’organisation de la récente Synth Fest à Nantes [18-20 avril 2014].
Comment se porte la
scène française ?
Christian – Il y
a des soucis, on va dire. En France, nous avions jusqu’à présent deux
associations, le Cosmiccagibi d’Olivier Bégué en Gironde, et Patch Work Music,
de Bertrand Loreau et Olivier Briand, à Nantes. Ce sont tous des amis de très
longue date, mais ça n’empêche malheureusement pas les rivalités. En 2004, pourtant,
quand Olivier Bégué avait lancé son festival de musique électronique à Libourne
– le projet s'appelait Close Encounters of Electronic Music –, il avait invité
toute la scène nantaise : Olivier Briand, Bertrand Loreau, Lionel Palierne…
Donc il y a quand
même quelques concentrations de musiciens. J'avais plutôt le sentiment d'un
éclatement en France.
Christian – Oui,
il y a une « école nantaise », encore qu’il s’agisse d’un grand mot.
Les styles de Bertrand Loreau et Olivier Briand sont très différents. Patch
Work Music a réussi à bien développer les ventes de disques. Ils ont monté un
réseau avec Groove, Spheric Music etc. Donc les disques des artistes PWM
partent maintenant à l'étranger. C'est un avantage certain. Du côté du Cosmiccagibi,
les ventes de disques de la scène française sont assez anecdotiques. En
revanche, ils sont plus orientés vers Klaus Schulze, Ashra, Kistenmacher. Ils
distribuent désormais aussi Manikin Records. Du coup, PWM reproche un peu à
Olivier Bégué de ne vouloir promouvoir que les Allemands. C’est vrai qu'il y a
toujours eu cette rivalité entre Nantes et Libourne. Par la suite, ce fut au
tour de PWM d’organiser des concerts à Nantes, à l'initiative d'Olivier Briand.
Le premier, en août 2010, nous a réunis, lui et moi. C’est ce show qui a donné Spacefish, le CD et le DVD publiés par
MellowJet. L'année suivante, c'était MoonSatellite et Frédéric Gerchambeau. Et enfin,
en août 2012, Jean-Christophe Allier et ElectroLogique, le
groupe de Jean-Michel Maurin et Frédéric Hébrard.
Marc – Tous ces
concerts avaient pour but de faire découvrir les artistes PWM.
Christian – Or, depuis
peu, il y a une troisième association en France, qui est en train de grandir :
Synthétique Association, avec des artistes comme Florent Lelong.
Marc – Ce n’est
pas la même sensibilité. Florent, à mes yeux, est plus dans la variété grand
public.
Christian – Oui,
ce que nous faisons, nous, est mieux adapté à l'Allemagne ou aux Pays-Bas. Mais
bon, ils y croient et c’est ce qui compte. Et puis, Jean-Philippe Hellio, le
président de Synthétique Association, est enthousiaste, et il bouge. Si on
pouvait fédérer les trois associations, ce serait l'idéal.
Alpha Lyra @ E-Day 2014 |
Marc – Des
raisons économiques, sans doute. A priori, les majors ne jugent pas ce genre
rentable.
Comment vous
êtes-vous retrouvez à l’affiche du E-Day ?
Christian – L’année
dernière, je suis allé frapper à la porte de Ron Boots. Je lui envoyé un lien
vers le concert de Nancy, et il s’est montré intéressé. Puis il nous a proposé
de nous produire au mois de mars dernier à Eindhoven avec lui et son groupe,
MorPheuSz. Mais la date a été annulée.
Marc – L'église était
régulièrement louée pour diverses manifestations. Mais comme la dernière s’est
mal passée, le responsable a décidé de bannir tout nouveau rassemblement dans
son enceinte à l’avenir.
Christian – La
manifestation qui l’avait échaudé, c’était un Salon du livre ! En tout
cas, on se retrouve au E-Day à la place. C’est encore mieux. Je considère ça
comme un honneur. Nous percevons même un cachet. Bref, nous sommes sur un
nuage.
Marc – Je le
prends aussi comme un honneur. Du coup, j’espère qu’on va assurer et qu’on
n’aura pas de problème technique.
Christian – J’ai
un CD qui est presque terminé. Je ne sais pas encore quand il sortira.
Peut-être fin 2014.
Marc – Je
travaille aussi sur mon prochain disque. J’aimerais bien le publier en 2015.
Christian – Aucune
autre prestation live n’est prévue pour le moment. C'est un problème que je
soulève depuis un certain temps : quand on est artiste, on ne peut pas
s'occuper en permanence d'aller chercher des dates, de manager, de tourner.
D'où l'intérêt des maisons de disques. Donc le vœu secret, ce serait que Marc
et moi profitions du E-Day pour trouver un label. Pourquoi pas Groove ?
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